La culture comme outil de développement territorial : l’exemple du label Capitale européenne de la culture
La culture comme outil de développement territorial : l’exemple du label Capitale européenne de la culture
Quel est le point commun entre Aarhus (Danemark) et Paphos (Chypre), deux villes distantes de près de 4 000 kms ? Elles sont toutes deux Capitales européennes de la culture (CEC) en cette année 2017, comme le furent avant elles 54 autres villes, dont Paris (1989), Avignon (2000), Lille (2004), et plus récemment le territoire de Marseille-Provence en 2013. Depuis 8 mois, les 2 villes vivent ainsi au rythme d’un riche programme culturel et artistique, mêlant expositions, spectacles, et autres événements.
Si cette initiative créée en 1985 entendait célébrer « la diversité et la richesse des cultures européennes et les liens qui unissent les Européens », elle rencontre aujourd’hui un écho beaucoup plus large et génère des retombées dépassant le secteur culturel.
CEC, de quoi parle-t-on ?
Chaque année, deux villes sont mises à l’honneur, l’une issue d’un « ancien » Etat membre, l’autre d’un « nouveau ». Une troisième ville d’un pays tiers (par exemple un candidat à l’entrée dans l’UE), peut également porter le label (comme Istanbul en 2010).
Les CECs sont officiellement désignées quatre ans avant l’année effective. Elles disposent d’une enveloppe de 1,5 million d’euros attribuée par l’UE, somme relativement anecdotique au regard des budgets engagés (près de 74 millions d’euros pour Lille 2004, 98 millions d’euros pour Marseille-Provence 2013).
Un levier de développement touristique
12% : c’est en moyenne la hausse du nombre de touristes séjournant au moins une nuit qu’enregistrent les CECs. Avec 9 millions de visiteurs, la fréquentation touristique de Lille a bondi de 30% sur l’année 2004. A l’occasion de Marseille-Provence 2013, le territoire a quant à lui accueilli environ 1,9 million de visiteurs supplémentaires. Les 2 villes ont également enregistré une hausse du nombre de touristes étrangers, clientèles les plus rémunératrices (50% à Lille, 23% à Marseille). Cet impact touristique diffère selon le degré de maturité touristique des territoires. Lille 2004 a ainsi enregistré 2,4 millions de nuitées hôtelières, soit une augmentation de près de 14% par rapport à 2003. En revanche, pour Marseille-Provence, les 5,7 millions de nuitées comptées en 2013 ont représenté une hausse de 9% par rapport à l’année précédente, considérant la forte activité touristique qui s’exerçait déjà auparavant sur le territoire.
1-Parade d’ouverture Le Bal Blanc – Lille 2004 (© DR - Lille 2004) //2-Marseille-Provence 2013 (© Elizabeth Carecchio)
Une image revitalisée pour un rayonnement renforcé
Outre l’impact touristique, le label constitue un formidable outil de marketing territorial, dont les effets se font sentir en premier lieu auprès des habitants. Lillois et Marseillais ont ainsi renforcé leur sentiment d’appartenance au territoire (fierté de présenter leur ville par le prisme culturel, réappropriation de certains quartiers, etc.), dynamique qui a contribué à développer leur rôle de prescripteurs. Cette adhésion du public s’est exprimée à travers l’implication de près de 18 000 ambassadeurs à Lille, quand près de 70% des Marseillais étaient ambassadeurs de la CEC. Au-delà des habitants, c’est également auprès des touristes et excursionnistes que la mise en œuvre du titre CEC agit en faveur de l’amélioration qualitative de l’image de la ville, synonyme de richesse, d’ouverture et de dynamisme culturel. Loin d’être une fin en soi, le label doit prendre corps et agir comme un catalyseur de projets pour stimuler l’attractivité du territoire. L’enrichissement de l’offre culturelle et artistique, ainsi que la collaboration des acteurs qu’il favorise (horizontale et verticale) contribuent à l’effet « coup de projecteur » très recherché par les villes candidates. Cette richesse et cohérence des initiatives concentrées sur une année précise, associées à une stratégie de communication et de promotion adaptée, appuient le développement de la notoriété nationale et internationale du territoire. A titre d’exemple, Marseille, qui avait consacré 10,5 millions d’euros à la communication, a été classée en 2013 par le New York Times deuxième destination où voyager, derrière Rio de Janeiro. La ville a également enregistré un bond de 68 places dans le classement international des villes de congrès (ICCA).
Un essai à transformer pour une attractivité confirmée
Si les retombées au cours l’événement sont manifestes, c’est également une fois la cérémonie de clôture passée que le label peut résonner, à condition de donner une forme pérenne à ce qui était ponctuel, tant du point de vue de l’offre que des partenariats constitués (le développement culturel et social de la ville à long terme constitue d’ailleurs l’un des critères d’évaluation de la candidature). Au contraire d’Avignon qui n’a pas connu d’effet levier faute de poursuite des projets après 2000, Lille a su donner une suite à son année capitale à travers Lille 3000, programmation artistique et culturelle proposée tous les deux ou trois ans et recevant un accueil favorable de la part du public (entre 1 et 2 millions de visiteurs à chaque édition). Capitaliser sur cette dynamique vertueuse, c’était également l’ambition affichée dès la fin de l’année capitale européenne par Marseille-Provence. Un objectif qui se réalisera l’année prochaine, avec le lancement de MP 2018, programmation pluridisciplinaire sur le thème de l’amour qui animera le territoire durant 7 mois à partir du 14 février 2018.
1- Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée, l’un des 10 sites culturels ouverts pour Marseille-Provence 2013
2- Maison Folie de Wazemmes, équipement culturel pluridisciplinaire né à l’occasion de Lille 2004 Capitale européenne de la culture (© Lille Métropole)
Vers une nouvelle CEC française
Lille et Marseille, deux CECs qui constituent des exemples inspirants pour Clermont-Ferrand. La ville s’est en effet positionnée pour être candidate à l’obtention du label en 2028, année durant laquelle une ville française sera à nouveau à l'honneur. Du 6 au 8 octobre prochain, les Clermontois et visiteurs assisteront ainsi au lancement d’Effervescences, programme événementiel et artistique qui se déclinera en une multitude de propositions jusqu'en 2021, année du dépôt de la candidature.
Marie OLIVE
Consultante In Extenso TCH